Le quartier des Marolles a accueilli, dans les années trente, de nombreux réfugiés fuyant les pays où le nazisme et l’antijudaïsme leur rendaient la vie impossible. Durant la Seconde Guerre mondiale, plus de 25.000 personnes d’origine juive furent déportées de Malines vers Auschwitz par l’occupant. En mémoire des victimes du nazisme qui habitaient la rue Haute et la rue Blaes, dans le quartier des Marolles, le projet prévoit la pose d’un pavé de mémoire pour chaque personne déportée, persécutée pour ses origines et/ou pour avoir été résistante. Les pavés sont scellés sur les trottoirs là où vécurent les personnes déportées, de manière à offrir au passant la vue d’une continuité de pavés. L’aboutissement de ce projet permettra à tout un chacun de se rendre compte, en parcourant ces deux principales rues du quartier des Marolles, de l’ampleur des rafles effectuées durant la Seconde Guerre mondiale.

Neuf pavés ont été scellés le 1er septembre 2017. Huit autres l’ont été le 30 août 2018 et dix-huit supplémentaires le 25 novembre 2019. Ces pavés – trente-cinq en tout à ce jour – font suite aux quarante pavés déjà posés voici trois ans dans les rues de Bruxelles, en hommage aux membres fondateurs de la Fondation Auschwitz ainsi qu’à ceux de l’Amicale des ex-prisonniers politiques d’Auschwitz-Birkenau et Prisons de Silésie dont elle est née.

Le quartier des Marolles est, au sein de la Ville de Bruxelles, un quartier de mémoire. Aujourd’hui encore, il rassemble et intègre de nombreux étrangers originaires du monde entier, superposant dans une certaine continuité les communautés et les couches sociales. Il importe d’en informer tant les habitants que les visiteurs, en permettant une cohabitation des mémoires tout en rappelant également l’hospitalité traditionnelle de la Ville de Bruxelles et les flux d’immigration qu’elle a accueillis. Ce projet permettra aux enseignants d’élaborer, avec notre concours et celui d’autres associations, des initiatives pédagogiques afin de cultiver chez les adolescents un esprit citoyen.

La pose des pavés s’effectue en collaboration avec l’Association pour la Mémoire de la Shoah, qui gère les commandes de pavés auprès de l’inventeur de la démarche, Gunter Demnig. Elle convient également, avec les administrations communales, de l’agenda de pose des pavés et propose l’organisation de commémorations avec ces dernières et les établissements scolaires.

Introduction aux photographies des poses de pavés rue Haute
Aspects biographiques

Toutes les personnes en hommage desquelles des pavés ont été placés rue Haute furent déportées parce que juives par l’occupant. Nous ne possédons que peu d’informations à leur sujet. Elles n’ont a priori pas combattu dans la résistance. Mais elles ont partagé un même destin : celui d’avoir fui la Pologne, l’antisémitisme et les nazis. Elles sont arrivées à Bruxelles, pour la plupart, dans le courant des années trente. Leur cheminement sera passé par la recherche constante de moyens de subsistance. Leurs professions : tailleurs, maroquiniers, commerçants, colporteurs, … Près de 60.000 personnes s’installèrent ainsi en Belgique dans le courant des années trente, dont la moitié à Bruxelles. Et puis arrivèrent l’occupation, les ordonnances obligeant les Juifs à s’inscrire dans un registre spécial dans les administrations communales, le port de l’étoile, la cession obligatoire des magasins, l’interdiction d’exercer de nombreux métiers, l’assignation à résidence, et finalement les « appels » au travail à l’Est, les déportations et les rafles. Un système qui aura révélé peu à peu sa finalité, avec au bout du chemin les chambres à gaz d’Auschwitz.

Les dossiers conservés au Service des Victimes de la Guerre comportent deux types de données. Celles qui ont été consignées par les Allemands eux-mêmes par la Gestapo, et après-guerre celles données par les survivants et ayants droit dans l’espoir d’obtenir une pension de prisonnier de guerre, en fait jamais attribuée aux déportés raciaux. Si ces données permettent d’aligner quelques dates et de reconstituer en partie les généalogies, elles ne permettent pas de se rendre compte des difficultés éprouvées au quotidien.

Nous incitons néanmoins les professeurs et leurs élèves à interroger le passé à partir des inscriptions gravées sur les pavés. Car il arrive que l’on puisse retrouver, au sein d’ouvrages, la trace d’un membre d’une famille concernée, ou des documents qui sans doute existent encore, par exemple aux archives de l’Office des étrangers et de la Sûreté de l’État dont les dossiers sont conservés à la Bibliothèque royale. Des recherches peuvent toujours être entreprises qui souvent permettent d’en apprendre davantage sur chacune des victimes.

 

Textes gravés des pavés et éléments biographiques

Les textes des pavés figurant ci-après, initialement proposés en vue de leur gravure, n’ont pas été intégralement reproduits, pour une question d’uniformité ou par manque de place. Nous les maintenons néanmoins ici dans leur forme initiale parce qu’ils présentent des données supplémentaires utiles tout en illustrant le processus de réalisation.

 

 

 

Sources : Archives générales du Royaume – Service Archives des Victimes de la Guerre.
Tous nos remerciements à Madame Alexandra Matagne pour son soutien sans faille.